Située entre Andy Kaufman et un personnage des frères Cohen, la version américaine de Florence Minder offre l’espace de déployer avec humour toute la gamme des hontes, des dépressions terribles et ridicules et des déplacements salvateurs qu’imposent les accidents de la vie.
On dit qu’il n’existe plus de terres non explorées dans le monde hormis les territoires souterrains et les fonds marins. Il en va peut-être de même des espaces mentaux, ce sont nos profondeurs que l’on peine à cartographier. Mais si nos capacités de pensée et d’expression sont limitées par notre langue maternelle, les mots, dans une langue étrangère, peuvent-ils libérer ces étendues intérieures jusque-là inconnues ? Et dès lors opérer comme des outils de reconstruction ?
Comme disait Goethe:
« So viele Sprachen Du sprichst so oftmal bist Du Mensch »
On est autant d’êtres humains que de langues que l’on parle.
Pour cette héroïne en mauvaise posture, cette schizophrénie linguistique pourrait bien rendre service… Dégagée d’un rapport cérébral et grave à son sujet du deuil, Florence Minder s’amuse de cette « distanciation langagière » comme unique effet de mise en scène dans un spectacle qui ne contient ni musique, ni micro, ni vidéo ni lumière, ni partenaire et donc… sans dialogue.
Avec un fusil, une perruque, un chewing-gum, des boucles d’oreilles et des surtitres, on parviendra même à faire fuir les loups qui rôdent dans les abysses…
Après le succès de Faire quelque-chose. (C’est le faire, non ?)et en attendant sa nouvelle création L’invisible n’est pas inexistant en septembre 2024 au Théâtre Varia (Bruxelles), Florence Minder réinterprète son tout premier spectacle, dans une version « reloaded », rechargée de ce que le monde a vécu et compris depuis 2012.
Questionnant sans cesse notre rapport intime et collectif à la fiction, l’autrice, actrice et metteuse en scène déploie une énergie d’interprétation explosive au service de ce savoureux mélange des genres entre humour et tragédie.
Avec ce stand-up low-cost désarmant de sincérité, Florence Minder confirme une fois de plus son talent pour défendre la fiction comme un terrain de jeu inépuisable, tout autant qu’un espace de survie.